Le contre-projet du Conseil fédéral à la caisse publique complique et renchérit toute l’assurance-maladie. Il mise par ailleurs sur de mauvaises incitations pour une prise en charge sérieuse et respectueuse des coûts des maladies graves. Il s’agit là d’une manifestation d’obstination envers la majorité du Parlement, qui refuse le principe d’un contre-projet. santésuisse rejette le projet du Conseil fédéral sans hésitation.
Le contre-projet du Conseil fédéral à l’initiative populaire pour une caisse publique ne propose pas une seule mesure positive qui ne soit déjà en délibération au Parlement. En revanche, la réassurance et la séparation de l’assurance de base des assurances complémentaires sont deux mesures inutiles qui ne contribueront qu’à renchérir l’assurance-maladie. La réassurance donne de mauvaises incitations pour une prise en charge sérieuse et efficace des maladies occasionnant beaucoup de dépenses. La séparation des domaines de l’assurance de base et des assurances complémentaires les renchérira tous les deux ; elle privera en outre les assurés qui le souhaitent de leur liberté de disposer de ce service apprécié. Avec son projet, le Conseil fédéral ébranle sa propre conviction, affirmée le 10 octobre dernier, en faveur de la concurrence dans le système de santé. Les partis bourgeois en sont conscients et ont signalé clairement, par cinq motions ayant recueilli l’aval de 110 conseillers nationaux et de 27 conseillers aux Etats, qu’ils ne soutiendraient pas de contre-projet à l’initiative pour une caisse publique.
« Réassurance » : on joue sur les mots
La « réassurance » proposée par le Conseil fédéral n’est en réalité qu’un fonds pour assurés à hauts risques et donc une caisse unique partielle puisque tous les « cas » occasionnant des dépenses supérieures à un montant à définir seraient pris en charge par un fonds commun. Toute incitation, pour les assureurs, à proposer une prise en charge conséquente et à long terme des maladies et des cas lourds (« Case et Disease Management ») se voit ainsi considérablement affaiblie. Cela aura des conséquences négatives sur l’état des personnes malades concernées et sur la gestion efficace des primes encaissées. Une réassurance, au sens propre du terme, est depuis longtemps réalité ; en effet, les assureurs de petite et moyenne importance doivent, selon la loi sur l’assurance-maladie, contracter une réassurance, à laquelle les grands peuvent renoncer. Ils peuvent assumer les cas les plus lourds sans risque d’insolvabilité.
Une séparation rend tout plus compliqué et plus cher
Une séparation juridique des domaines de l’assurance de base et des assurances complémentaires signifie avant tout un dédoublement de l’administration, donc un renchérissement des deux domaines d’assurance sans aucune plus-value pour les assurés, bien au contraire : ces
derniers perdraient la liberté de choisir une formule appréciée qui leur permet de régler en une fois toutes leurs démarches d’assurance-maladie. C’est pour cela que près de 80% des personnes ayant une ou plusieurs assurances complémentaires les ont contractées auprès du même assureur que leur assurance de base. Le renchérissement des deux domaines d’assurance affectera l’ensemble des assurés.
L’argument que la séparation de ces deux domaines contribuerait à éviter la sélection des risques dans l’assurance complémentaire est contraire à la logique même du système : l’assurance complémentaire prévoit justement des primes correspondant au risque assuré. L’assuré doit donc répondre à un questionnaire de santé détaillé pour que l’assureur puisse évaluer le risque individuel à assurer. C’est là ce qui différencie fondamentalement l’assurance sociale – chacune et chacun sont assurés indépendamment de leur état de santé, donc du risque d’assurance – de l’assurance privée. Une séparation des deux domaines d’assurance n’y changera rien.
Compensation des risques déjà en délibération
La compensation des risques doit permettre d’éviter la sélection – importune – de bons risques dans l’assurance-maladie sociale. Le principe a déjà été accepté par les deux commissions compétentes du Parlement et l’objet est à l’étude en sous-commission. Le contre-projet du Conseil
fédéral n’y contribue en rien. Lier cet objet au projet nuisible de caisse unique aura pour seule conséquence de retarder, ou de mettre en danger, les mesures pour éviter « la chasse aux bons risques ».