Point de vue de Heinz Brand dans le Bündner Tagblatt du 23 mai 2019

Prise de position
03.06.2019

En matière de santé, les bonnes intentions font parfois plus de mal que de bien. Ce principe s’applique par exemple à l’actuelle initiative populaire du PS sur la nouvelle répartition des coûts de la santé, avec laquelle le parti vacillant espère gagner des voix lors des élections de cet automne.

L’initiative du PS demande de limiter la charge liée aux primes d’assurance-maladie à 10% du revenu disponible et de transférer le reste des coûts à l’État. Elle soulagerait ainsi les payeurs de prime de trois à quatre milliards de francs par an et grèverait les contribuables du même montant. Cette somme représente le budget annuel actuel de la Confédération pour l’agriculture et l’alimentation. Si l’évolution des coûts reste stable, les subventions seraient même doublées dans vingt ans et s’élèveraient à plus de sept milliards de francs, soit l’équivalent actuel du budget fédéral en matière de formation et de recherche. Rien que ces chiffres montrent que la pseudo-solution du PS n’est pas praticable et provoquerait à moyen terme des augmentations d’impôt massives.

Il est vrai que la charge liée aux primes d’assurance-maladie touche à ses limites. L’augmentation de salaire bien méritée d’un employé ou le revenu réjouissant réalisé une année par un paysan profitent très marginalement à la famille et sont immédiatement engloutis par l’industrie de la santé. Pourquoi? Parce que certains profitent sans se soucier des conséquences pour les autres. Notre système de santé actuel offre à tout un chacun un accès à toutes les prestations – et ce, à tout moment. Ce principe, qui constitue le socle de l’assurance-maladie sociale, est justifié et important. Nous voulons aussi disposer d’hôpitaux dans les régions périphériques, malgré un manque éventuel de rentabilité. Or la réalité est toute autre: même les médecins de famille ne s’installent presque plus que dans les centres où ils sont déjà suffisamment nombreux. Chaque nouveau cabinet de médecine générale coûte plus d’un demi-million de francs par an aux payeurs de primes, que cette ouverture bénéficie aux patients ou non. Il est également possible, par exemple, de se faire opérer du cœur dans presque toutes les villes de Suisse. Est-ce vraiment trop exiger qu’une personne se déplace de Bâle à Zurich ou à Berne pour une telle intervention? On sait aussi que 20% des actes médicaux sont superflus et que de nombreux médicaments sont trop chers. Ce n’est certainement pas le patient qui en profite – contrairement à d’autres. De telles incitations erronées génèrent une hausse exponentielle des coûts, à laquelle ne peuvent faire face ni l’économie ni la population.

Pour éviter que les payeurs de primes et les contribuables ne deviennent au final les dindons de la farce, il convient de s’attaquer à la racine du problème et non de simplement répartir différemment des dépenses inutiles. Il est temps de séparer enfin le bon grain de l’ivraie. Notre population doit continuer de bénéficier des soins nécessaires et efficaces à l’avenir aussi. Quant aux prestations superflues et néfastes, elles ne doivent plus être sources de profit et sont à éliminer de manière systématique. Le système de santé s’apparente beaucoup trop souvent actuellement à un magasin en libre-service.

La modération est l’ingrédient principal de finances saines. Si la raison financière et politique l’emporte à nouveau après les élections dans la Berne fédérale, il faudra se retrousser les manches et réduire l’offre excédentaire d’infrastructures médicales, en particulier en zone urbaine. Les fournisseurs de prestations qui facturent à la charge de l’assurance-maladie doivent démontrer la nécessité et l’efficacité de leurs actes médicaux. La proposition du PS ne ferait qu’accélérer encore davantage la croissance des coûts en réduisant la pression politique à faire des économies. Et le mieux deviendrait très vite l’ennemi du bien.


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