«Un signal fort envoyé à la Confédération et au monde politique»

Article infosantésuisse
30.10.2023

Ensemble et non pas chacun pour soi: en étroite collaboration avec les principaux acteurs du système de santé suisse, Rémi Guidon, CEO de la société Organisation tarifs médicaux ambulatoires SA (OTMA SA), entend faire avancer le nouveau tarif médical ambulatoire. «Nous disposons d’une grande chance que nous devons impérativement mettre à profit.»

Depuis avril 2023, vous êtes à la tête de la société Organisation tarifs médicaux ambulatoires SA (OTMA SA). La tâche est loin d’être aisée…

C’est vrai, mais elle est également très intéressante. D’une part, j’ai la chance de mettre en place une nouvelle organisation tarifaire importante. D’autre part, je peux contribuer à façonner, en collaboration avec les principaux acteurs du système de santé, un tarif médical ambulatoire pour le système de santé de demain. Je trouve la tâche on ne peut plus passionnante.

Dans votre nouveau rôle, vous devez concilier les intérêts des fournisseurs de prestations, des répondants des coûts, des associations, de l’administration ainsi que de la politique. Un exercice difficile?

Oui, il s’agit d’un exercice difficile, mais mon activité au sein de l’organisation tarifaire SwissDRG m’y a préparé. Ce n’est donc pas une situation fondamentalement nouvelle. Selon moi, la difficulté majeure réside plutôt dans la conséquence du blocage qui était nettement perceptible dans le domaine ambulatoire ces dernières années. Les deux nouveaux tarifs ont été développés avec une certaine distance l’un par rapport à l’autre et doivent maintenant être coordonnés en vue d’une application réglementée. Cette tâche n’est certainement pas facile et tous les acteurs doivent faire un pas en avant. Je ne peux pas résoudre ce problème tout seul.

Avez-vous un souhait ou un message spécifique à adresser à tous les acteurs?

Nous avons actuellement une grande chance de créer ensemble un tarif général pour le domaine ambulatoire. Il faut absolument saisir cette opportunité. Nous sommes nettement plus forts ensemble que lorsque des groupements isolés cherchent des solutions chacun de leur côté. Si nous pouvons soumettre conjointement un nouveau système tarifaire, basé sur des forfaits et un tarif à la prestation, nous enverrons un signal fort à la Confédération et au monde politique.

Pensez-vous que ce nouveau tarif est également une chance de freiner la hausse actuelle des  coûts?  

Je ne peux pas m’avancer aussi loin à l’heure actuelle. OTMA SA ne dispose pas de la base de données nécessaire pour estimer l’influence du nouveau tarif sur les coûts. Il ne m’est donc pas possible d’effectuer des simulations qui permettraient une telle évaluation. Pour l’instant, il s’agit pour les acteurs de conserver leur autonomie concernant le tarif ambulatoire et de permettre un développement adéquat à l’avenir. Ce sont eux qui utiliseront le tarif plus tard, de sorte  que cette autonomie devrait leur tenir  particulièrement à coeur. 

Et si l’introduction commune n’aboutit pas: vous attendez-vous  à une étatisation du tarif médical?  

Nous avons vu ce qui peut se passer avec l’actuel tarif à la prestation Tarmed.  À ma connaissance, il y a eu là aussi différentes discussions entre les acteurs au sujet d’une réforme tarifaire. Le Conseil fédéral est finalement intervenu et a corrigé le tarif lui-même. Je suppose qu’aucune des associations ne souhaite qu’un tel scénario se reproduise.  

L’introduction du nouveau système tarifaire est prévue pour le 1er janvier 2025, c’est-à-dire tout bientôt. Un calendrier plutôt ambitieux.  

Ce calendrier est effectivement très ambitieux et les changements - surtout pour les utilisateurs - ne doivent pas être sous-estimés. À l’avenir, les fournisseurs de prestations et les répondants des coûts pourraient devoir procéder aux décomptes avec deux tarifs au lieu d’un seul: forfaits ambulatoires et tarif à la  prestation TARDOC. Il faut bien sûr tenir compte du fait que les fournisseurs de prestations seront loin d’être tous concernés de la même manière par les deux nouveaux tarifs. D’après moi, un changement de tarif n’est cependant jamais simple. Le processus est par ailleurs déjà bien avancé: il existe une version de lancement  des deux tarifs qui doivent maintenant  être mis en consultation. D’ici la fin de l’année, ils doivent être soumis au Conseil fédéral pour approbation.  

Dans quelle mesure est-il important d’introduire les forfaits et le TARDOC en même temps?  

C’est très important. Comme je l’ai déjà dit, l’introduction d’un nouveau système tarifaire implique une très grande charge de travail pour toutes les parties concernées.  C’est pourquoi il serait beaucoup plus simple de ne devoir adapter le système tarifaire qu’une seule fois. Un tarif commun pour l’avenir apporterait également un peu de calme dans la discussion et le développement coordonné pourrait être poursuivi ensemble sous l’égide d’OTMA SA.  

Avant de rejoindre OTMA, vous avez participé à l’introduction des tarifs stationnaires TARPSY et ST Reha. À l’époque, l’harmonie était également loin de régner entre les acteurs.  

C’est exact. Par expérience, je peux dire qu’un changement de tarif s’accompagne toujours de discussions. Dans ce contexte, il faut aussi noter que les acteurs qui participent à la discussion depuis le début de manière constructive, réfléchissent aux nouveaux tarifs et anticipent les changements, sont bien plus «ouverts» et rencontrent nettement moins  de problèmes lors de l’introduction.  

Soumettre un nouveau système tarifaire est une chose, obtenir l’approbation du Conseil fédéral en est une autre. Pour chaque tarif, il est décisif que la neutralité et l’objectivité puissent ainsi être garanties. Quelles conditions doivent être remplies pour ce faire?  

Je ne peux et ne veux évidemment pas anticiper la manière dont le Conseil fédéral va évaluer les tarifs soumis. Concernant la neutralité et l’objectivité, la base sur laquelle un tarif a été développé me paraît importante. Sur quels concepts repose-t-il et ces derniers sont-ils reconnus par la branche? De mon point de vue, un élément central est certainement la base de données. Un tarif qui s’appuie sur une base claire et compréhensible a certainement de fortes chances d’être approuvé. On l’a bien vu lors du développement des structures tarifaires stationnaires.  

Les forfaits ambulatoires se basent sur plus d’un million de cas provenant de 30 hôpitaux différents. La base de données est donc plus vaste que pour n’importe quel autre système tarifaire ambulatoire. 

À mon avis, la direction suivie par les associations H+ et santésuisse est la bonne s’agissant du système de forfaits.  La base de données est comparable à celle du domaine hospitalier stationnaire.  Il y a toutefois certainement là aussi un potentiel d’amélioration. La question est de savoir comment la base de données peut encore être élargie, afin qu’elle couvre si possible tous les fournisseurs de prestations ambulatoires. 

Le tarif à la prestation TARDOC repose, quant à lui, sur une base de données plutôt restreinte. A-t-il vraiment une chance d’être approuvé sous cette forme? 

D’après moi, le TARDOC repose également sur une large base de données, mais contient également des éléments normatifs. Personnellement, je ne mettrais pas en doute la base de données, car je ne la connais pas non plus en détail.  Il est clair que la version de lancement de chaque tarif présente certains points faibles. Les personnes qui développent ces tarifs en ont bien conscience.  L’objectif doit être de trouver des moyens de faire évoluer les tarifs de manière adéquate, au sens d’un tarif apprenant.  Des projets sont déjà en cours pour valider et mettre à jour les éléments normatifs du TARDOC.  

Cela ne saurait être facile dans le cas du TARDOC...  

Améliorer la base de données de n’importe quel tarif est une tâche difficile.  En effet, ces données proviennent avant tout de fournisseurs de prestations dont le coeur du métier est entièrement différent, en l’occurrence la prise en charge de patients. Il faut donc une certaine compréhension et aussi le temps nécessaire pour procéder à des optimisations.  

Quelles sont les prochaines étapes en vue de l’introduction au 1er janvier 2025?  

Il faut tout d’abord mentionner les procédures de consultation au niveau des associations. Elles seront d’une importance capitale pour la suite de la procédure en ce qui concerne le dépôt des demandes d’approbation auprès du Conseil fédéral. L’examen des tarifs relève ensuite de l’Office fédéral de la santé publique, la décision finale revenant au Conseil fédéral. La société OTMA SA se penche actuellement sur des questions fondamentales: une coordination supplémentaire  est-elle nécessaire pour  l’introduction des deux tarifs? Les tarifs peuvent-ils fonctionner ensemble sans engendrer de lourdeurs administratives importantes? Des mesures d’ordre générale sont-elles nécessaires?  

Un tarif peut-il être introduit alors que de dernières questions sont encore ouvertes?  

Les points essentiels doivent naturellement être clarifiés. Mais dès qu’un tarif atteint un certain stade et que les risques pour les utilisateurs sont connus et raisonnables, il est tout à fait possible de commencer à travailler avec une version présentant encore des lacunes.  Les combler au préalable – notamment au niveau de la base de données – peut se révéler assez complexe et prendre du temps. À l’avenir, notre société pourra se charger de cette tâche, en collaboration avec tous les partenaires tarifaires importants, et améliorer les tarifs en permanence.  


santésuisse est la principale organisation de prestations dans le domaine de la santé et votre partenaire pour une gamme complète de services.